C’est un
petit champ de coquelicots pentu où coule une rivière, plus loin. Le
ronronnement apaise, l’eau s’écoule, cristalline. Au fond, des galets pâles,
gros comme un poing d’enfant et lisses comme la peau d’un nouveau-né.
Près de là,
une petite fille joue, blonde avec de grosses boucles, le ventre potelé, les
mains sales de poussière, la robe un peu froissée. Elle connaît la rivière et
le champ qui borde son jardin, à quelques mètres de là. La fillette serre dans
ses bras un gros lapin blanc en peluche. Elle le taquine, souvent.
Elle le lance
en l’air, le rattrape, rit, le relance plus haut, rit encore, le rattrape à
nouveau, le berce. Elle court vite à travers champ, la peluche dans ses bras. Les
coquelicots près d’elle sont des petites tâches écarlates.
Elle court à
toute allure vers la rivière. Ses joues sont rouges de plaisir, elle a chaud.
Près de la rivière, elle s’essouffle un peu, reprend ses esprits et décide de s’assoir,
là, à l’ombre d’un saule, sur la pente, au bord de l’eau. Elle s’allonge, son
lapin dans ses bras. Elle lui parle comme à un ami. Doucement, elle lui parle ;
les minutes s’écoulent, goutte à goutte, près de l’eau, lit ronronnant. La
brise, douce sur sa peau d’enfant, chante dans les branches du saule et l’endort.
Elle relâche un peu sa peluche pour mettre son pouce dans sa bouche. Ses joues
ne sont plus si rouges. Elle est bien, apaisée.
Elle n’entend
pas le lapin blanc rouler. Elle ne le voit pas, elle dort. Il tombe près de la
berge, plonge, doucement, sans un bruit. Il flotte un peu, se gorge d’eau pure.
Il semble caresser la surface, tendrement, d’une patte de velours.
Plus tard, l’enfant
s’éveille, s’étire, baignée de la chaleur douce du soleil couchant. Elle bat
des paupières, rassemble ses esprits, rit un peu de s’être endormie, comme ça,
sans prévenir. Elle cherche sa peluche, tâtonne. Une lueur de panique assombrit
son regard quand elle ne la trouve pas. Elle se lève d’un coup, vibrante,
tendue comme un jeune bambou. Elle appelle, cherche, tourne, fouille, crie.
Soudain, elle
comprend. L’eau près d’elle ne lui délivre pas son secret, et pourtant, elle
sait. Il est là, quelque part, bercé de fraîcheur.
Les larmes
tombent, silencieuses. Elle reste debout, un peu perdue, avant de l’apercevoir,
dans le fond, près des galets scintillants d’étoiles. Elle sourie, alors. Il
sera toujours là, près d’elle. Des myriades de couleur la chatouillent,
éclatent au soleil comme de petits arcs-en-ciel.
Pour Yoda, près des étoiles, et pour ma soeur.